Le Mystère de Jésus (Blaise Pascal)

Proza – gedicht. De secties zijn staties voor een ongeleide meditatie. U moet ze stuk voor stuk proeven, en beproeven. Fragment 749, uit wat we nu de Pensées noemen. Datering ca. 1658. Het is geschreven op 1 folio. Op de keerzijde wordt de resterende witruimte open gelaten. Men moet het dus niet automatisch verbinden met andere fragmenten, zoals in veel edities van de Pensées gebeurt.

Jésus souffre dans sa Passion les tourments que lui font les hommes. Mais dans l’agonie il souffre les tourments qu’il se donne à lui-même. Turbare semetipsum. C’est un supplice d’une main non humaine, mais toute-puissante. Et il faut être tout-puissant pour le soutenir.


Jésus cherche quelque consolation au moins dans ses trois plus chers amis, et ils dorment. Il les prie de soutenir un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si peu de compassion qu’elle ne pouvait seulement les empêcher de dormir un moment. Et ainsi Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu.


Jésus est seul dans la terre non seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache. Le ciel et lui sont seuls dans cette connaissance.


Jésus est dans un jardin, non de délices, comme le premier Adam, où il se perdit et tout le genre humain, mais dans un de supplices, où il s’est sauvé et tout le genre humain.


Il souffre cette peine et cet abandon dans l’horreur de la nuit.


Je crois que Jésus ne s’est jamais plaint que cette seule fois. Mais alors il se plaint comme s’il n’eût plus pu contenir sa douleur excessive : Mon âme est triste jusqu’à la mort.


Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n’en reçoit point, car ses disciples dorment.


Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.


Jésus au milieu de ce délaissement universel et de ses amis choisis pour veiller avec lui, les trouvant dormant, s’en fâche à cause du péril où ils exposent non lui, mais eux-mêmes, et les avertit de leur propre salut et de leur bien avec une tendresse cordiale pour eux pendant leur ingratitude, et les avertit que l’esprit est prompt et la chair infirme.


Jésus, les trouvant encore dormant, sans que ni sa considération ni la leur les en eût retenus, il a la bonté de ne pas les éveiller, et les laisse dans leur repos.


Jésus prie dans l’incertitude de la volonté du Père, et craint la mort. Mais l’ayant connue, il va au-devant s’offrir à elle : Eamus. Processit (Joannes).


Jésus a prié les hommes, et n’en a pas été exaucé.


Jésus, pendant que ses disciples dormaient, a opéré leur salut.


Il l’a fait à chacun des justes pendant qu’ils dormaient et dans le néant avant leur naissance, et dans les péchés depuis leur naissance.


Il ne prie qu’une fois que le calice passe, et encore avec soumission, et deux fois qu’il vienne, s’il le faut.


Jésus dans l’ennui.


Jésus, voyant tous ses amis endormis, et tous ses ennemis vigilants, se remet tout entier à son Père.


Jésus ne regarde pas dans Judas son inimitié, mais l’ordre de Dieu qu’il aime, et la voit si peu qu’il l’appelle ami.


Jésus s’arrache d’avec ses disciples pour entrer dans l’agonie. Il faut s’arracher de ses plus proches et des plus intimes pour l’imiter.


Jésus étant dans l’agonie et dans les plus grandes peines, prions plus longtemps.