*1969, Franse schrijfster (Une Pièce Montée, La ballade de Lila K, Dix rêves de pierre), essayist (Rome et ses monstres, Le Monde antique de Harry Potter (= encyclopedie!), lector Latijn en Antieke Cultuur aan de Université Paris-Est-Créteil. Ook bij het brede publiek bekend vanwege de adaptatie van haar eerste roman tot speelfilm in 2010. In die roman vertellen 9 aanwezigen ‘hun verhaal’ naar aanleiding van een bewogen high-society bruiloft. De titel verwijst naar de bruiloftstaart, een croquembouche1
interview par Brigitte Aubonnet
https://www.encres-vagabondes.com/rencontre/le_callet.htm
La littérature et l’écriture vous ont-elles toujours accompagnée ?
Avant même de savoir écrire, j’ai le souvenir que j’aimais me raconter des histoires. J’inventais des dialogues à plusieurs personnages en jouant tous les rôles. Dès l’âge de sept ans, le plaisir d’écrire est venu naturellement prolonger ce plaisir de raconter, et ne m’a plus quittée. Je mettais un soin particulier aux exercices scolaires d’expression écrite. J’écrivais, réécrivais, raturais sans cesse – rétrospectivement, je me rends compte que j’exerçais déjà ce regard critique sur la phrase que sous-tend le travail d’écrivain. Mes copies étaient souvent lues devant la classe ; même si cela peut paraître dérisoire en terme de “reconnaissance”, cela a contribué à me faire découvrir le pouvoir des mots, le bonheur de voir ses écrits rendus publics. Les livres aussi ont toujours fait partie de ma vie. Je n’ai pas aimé mon enfance et mon adolescence, que j’ai vécues comme des périodes de contrainte, d’insatisfaction, et souvent d’ennui. Les livres étaient une échappatoire. Ils me permettaient d’oublier mes frustrations et de m’ouvrir sur le monde. Pour moi, la littérature a depuis toujours été associée à une idée de liberté, et même de révolte.
Pourquoi commence-t-on à écrire ?
Je ne me suis jamais vraiment posé cette question, car l’écriture s’est installée dans ma vie de façon naturelle, et comme une évidence. L’idée que je voulais devenir écrivain s’est imposée clairement vers l’âge de onze ans et depuis lors, il ne s’est pas passé un jour sans que je pense aux livres que j’écrirais. Je crois qu’on peut parler de vocation : même si je n’ai jamais envisagé de me consacrer exclusivement à l’écriture, elle est une préoccupation quotidienne, et j’ai toujours plusieurs projets de livres en tête.
Votre première publication est un essai, Rome et ses monstres. Vous évoquez les normes établies dans les sociétés pour déterminer la limite entre la normalité et la monstruosité. Ces normes varient et évoluent selon les époques et selon les pays. Ce thème vous tient-il à cœur tout particulièrement ? Pour quelles raisons ?
Étudier la question de la monstruosité aide à comprendre combien les règles et valeurs que l’on s’imagine universelles, éternelles, intangibles, sont en fait le produit d’une époque et d’une société données. Cela ne veut pas dire que ces règles et valeurs ne sont pas respectables, mais qu’elles sont toujours discutables, que l’on peut en débattre, les faire évoluer. Je crois que si tout le monde parvenait à en prendre conscience, ce serait pour l’humanité un gros progrès !
Au-delà de cette question de la relativité de la norme, la question de l’exclusion de l’anormal (physique, mental ou moral) m’intéresse, parce que je la crois profondément révélatrice d’une société. C’est une banalité de le dire, mais ça n’enlève rien à l’intérêt qu’il y a à se pencher sur la question !
Comment cela a-t-il influencé vos écrits fictionnels ?
Je ne sais pas si mes recherches universitaires sur la monstruosité ont particulièrement influencé mes écrits fictionnels. Disons plutôt que mon intérêt pour la question de l’anormalité et de l’exclusion – intérêt qui s’est manifesté dès l’enfance – s’est exprimé par différents biais : une recherche très spécialisée sur une période donnée de l’Antiquité romaine d’une part ; d’autre part, des romans où ces thèmes reviennent de façon récurrente. Ce qui nourrit aussi bien mes recherches que mon écriture, c’est ma conscience de citoyenne et une réflexion philosophique personnelle.
Une pièce montée est un roman élaboré autour de neuf points de vue lors d’un mariage dans un milieu bourgeois. C’est un milieu fermé qui établit aussi des normes. Quel était l’objectif de ce roman ? Comment s’est-il construit ?
Ce roman est pour moi avant tout une satire de la bourgeoisie catholique aisée de province, sûre de ses valeurs, de son bon goût, de sa bonne éducation alors qu’elle sait se montrer par ailleurs terriblement mesquine, matérialiste et violente dans l’exclusion de tous ceux qui ne lui ressemblent pas.
J’avais aussi envie de raconter une fête, avec tout ce que cela implique de mise en scène (parfois un peu ridicule et pathétique) de notre désir d’être heureux. Le roman joue constamment sur le contraste entre l’endroit et l’envers du décor, ce que les gens affichent au sein de la comédie sociale, et ce qu’ils éprouvent au fond d’eux-mêmes. Cela me semblait intéressant sur le plan romanesque. Mais j’ai voulu en même temps éviter la caricature, en rendant les personnages attachants malgré leur faiblesse, et plus pitoyables que détestables.
Le roman est né un peu par hasard. Au départ, j’avais dans l’esprit d’écrire un recueil de nouvelles dont chacune se passerait dans un mariage différent. Puis j’ai écrit la nouvelle “Hélène”, sur une jeune femme de trente-cinq ans qui se rend au mariage avec sa famille, et qui se dit qu’elle n’est pas satisfaite de sa vie pourtant très confortable. Dans la voiture, à l’arrière, il y avait un personnage de petite fille qui regardait sa mère. Je me suis dit que ce serait intéressant de montrer le point de vue de cette petite fille. C’est ce qui m’a amenée à écrire la nouvelle “Pauline”, puis à écrire une série de nouvelles, non plus sur des mariages différents, mais sur un seul mariage. Quand j’ai eu terminé, mon mari a lu le livre et m’a dit : “En fait, tu as écrit un roman.” Je me suis dit, à la fois surprise et ravie : “Il a raison.” J’ai repris l’écriture du livre pour encore renforcer la cohérence de l’ensemble : ajouter de nouveaux détails, peaufiner les “passerelles” et les jeux de miroirs, modifier l’ordre des chapitres pour créer des effets intéressants.
Le thème de l’enfermement apparaît dans Une pièce montée puisque c’est un enfermement social, individuel aussi puisque chacun s’enferme un peu dans son point de vue. Arrive-t-on à faire éclater les carcans ?
Qu’il soit social ou individuel, aucun de nous n’échappe à cet enfermement. Il nous est dicté en partie par notre nature, un peu paresseuse, un peu lâche : dépasser la barrière des rapports conventionnels pour établir avec autrui des rapports véritablement sincères et enrichissants, se livrer, s’exposer, tout cela demande un certain courage, et un investissement que l’on n’est pas toujours prêt à fournir. C’est aussi s’exposer au jugement d’autrui, au rejet. Là encore, c’est un risque que l’on ne veut pas toujours courir.
Tout cela se double d’un enfermement social : nous sommes tous associés à un statut, un personnage qui nous a été attribué (parfois dès l’enfance), et qu’il est quasiment impossible de faire oublier aux autres.
La plupart des personnages d’Une pièce montée se trouvent effectivement dans cette situation d’enfermement où chacun est tenu de jouer le rôle qu’il s’est attribué, ou qui lui a été attribué. Mais certains parviennent malgré tout à en sortir : c’est le cas de Marie qui révèle durant la soirée son homosexualité ; c’est le cas de la grand-mère qui révèle à Bérengère le secret de sa vie ; c’est le cas du mari d’Hélène, qui parvient à oublier qu’il est un homme stressé pour enfin dire à sa femme qu’il l’aime.
Vous avez reçu plusieurs prix pour ce roman. Quel apport cela a été pour vous ?
L’aventure d’Une pièce montée a été pour moi une sorte de merveilleux cadeau de la vie. Je l’avais espéré sans jamais vraiment croire que cela m’arriverait un jour. Évidemment, lorsque tout cela survient pour un premier roman, c’est un encouragement extraordinaire, une source de force. Mais, rétrospectivement, je me rends compte que ça ne m’a pas donné plus d’assurance, dans la mesure où chaque roman représente un défi différent. Ce n’est pas parce qu’on a réussi à écrire un livre qui a plu aux lecteurs que l’on parviendra à renouveler l’expérience, surtout – comme c’est mon cas – lorsque le deuxième roman est aussi différent du premier.
La ballade de Lila K est aussi un autre enfermement. Comment est né ce roman ?
Je suis partie d’un fait-divers des années 80 : l’histoire douloureuse d’un petit garçon enfermé dans un placard, qui avait ému la France entière. J’avais une dizaine d’années à l’époque, et cela m’a marquée. Des années plus tard, j’ai lu une interview de ce petit garçon devenu adolescent : il revenait avec beaucoup de lucidité sur ce qui lui était arrivé, mais continuait à porter à sa mère un amour immense. J’ai trouvé cela à la fois émouvant et angoissant. Avec La Ballade de Lila K, j’ai voulu explorer ce lien d’amour fou entre un enfant maltraité et sa mère.
Mais je voulais éviter de situer l’action du roman dans la période contemporaine pour ne pas tomber dans le témoignage sociologique. Très vite, m’est venue l’idée d’une transposition dans un monde futur. J’ai pour cela “greffé” l’histoire de Lila K sur l’univers romanesque d’un roman d’anticipation que j’avais commencé il y a une quinzaine d’années et laissé en plan. L’anticipation m’a permis d’introduire dans le roman des thèmes de réflexion d’ordre éthique et politique qui viennent intimement se mêler au parcours de Lila.
Vous parlez des dérives des sociétés qui veulent protéger de tout et finalement privent de liberté. Peut-on vivre sans prendre de risques ?
Le roman illustre une de nos ambiguïtés : on voudrait tous vivre dans un monde exempt de violence, de menace, un monde où l’on se préoccupe de notre santé et de notre sécurité. Les citoyens attendent de l’État qu’il les prémunisse contre les crises sanitaires, terroristes, etc. Mais d’un autre côté, chacun éprouve un besoin légitime de liberté : on répugne à être surveillé, à recevoir des consignes et à rendre des comptes. La question que pose le roman est la suivante : jusqu’où sommes-nous prêts à aller dans l’abdication de nos libertés pour assurer notre confort et notre sécurité ? Le roman n’apporte pas de réponses claires à ces questions, mais il offre au lecteur l’occasion de se les poser, et d’entrevoir les dérives dans lesquelles notre société est en train de s’engager.
Votre roman présente différentes formes d’exclusions. Quel rôle joue la littérature ? Est-ce important pour vous de dénoncer certaines dérives de la société par la fiction ?
Oui, c’est important. La littérature que j’ai envie de faire, c’est celle qui explore à la fois l’intimité des êtres et s’attache à des questions de société. J’ai envie de m’adresser à la sensibilité du lecteur autant qu’à son intelligence – du reste, l’un ne va pas sans l’autre. Embarquer le lecteur dans une histoire qui l’attache à des personnages tout en le confrontant à des questions politiques et éthiques, c’est cela qui me plaît.
Dans ce roman, nous avons le point de vue d’un seul personnage, Lila qui a été retirée de la garde de sa mère lorsqu’elle était enfant. En quoi cette approche a-t-elle modifié l’écriture de ce roman par rapport au précédent ?
Dans Une pièce montée, le croisement des regards était le fondement de la construction romanesque. Dans La Ballade de Lila K, c’est plutôt le rapport au temps. Avant de commencer l’écriture du roman, j’ai écrit un synopsis d’une vingtaine de pages racontant l’histoire de Lila. Cela a un peu évolué par la suite, mais l’essentiel de l’histoire était là. Toute la question a été ensuite de savoir dans quel ordre j’allais la raconter. L’ordre chronologique ne me semblait pas assez intéressant. C’est pourquoi j’ai eu l’idée de faire de Lila une amnésique à la recherche de son passé. Cela m’a permis d’organiser la construction du roman selon deux axes chronologiques : d’une part, le récit de la reconstruction de Lila dans le Centre et après sa sortie ; d’autre part, les réminiscences de son passé qui surgissent au fur et à mesure qu’avance son l’enquête au sujet de sa mère. J’ai longuement médité cette construction, essayé plusieurs combinaisons. J’ai fait en sorte qu’on ne puisse entièrement reconstituer l’histoire de Lila que dans les dernières pages du livre.
De façon générale, je crois que chaque projet littéraire sécrète ses propres règles de construction romanesque, ses propres problématiques.
La lecture et la rencontre avec certains personnages vont sauver, en quelque sorte, Lila qui va pouvoir trouver sa voie. Vous ouvrez beaucoup de possibles et d’espoirs dans ce roman malgré le contexte dramatique ?
J’ai voulu suspendre ce roman entre noirceur et espoir, suggérer tous les chemins que peut prendre une vie, les basculements qui peuvent à chaque instant s’opérer. J’ai également voulu laisser la fin dans une totale ambiguïté, en donnant au lecteur assez d’éléments pour qu’il puisse imaginer une fin optimiste ou, au contraire, très sombre. C’est à lui de décider, et quoi qu’il décide, il aura raison.
Quels sont vos projets d’écriture ?
J’achève actuellement l’écriture d’un recueil de nouvelles écrites à partir d’épitaphes – un projet que j’avais depuis plus de vingt ans.
Je travaille également, en collaboration avec l’illustratrice Nancy Peña, à une bande dessinée dont j’ai écrit le scénario. Elle raconte l’histoire de Médée, une héroïne mythologique, sorcière, meurtrière, barbare exilée chez les Grecs, infanticide… Encore un monstre !
Propos recueillis par Brigitte Aubonnet
en juillet 2012
- Croquembouche = constructie van knapperig gebak gemaakt met soesjes, banketbakkersroom en karamel. In Frankrijk wordt het vaak geserveerd als bruidstaart, voornamlijk gemaakt van roomsoesjes en karamelsuiker (nougatine) gemonteerd in een kegelvorm. Dit gebak staat bekend als een “piramide de choux” of “pièce montée”.